Le courrier adressé à Monsieur Olivier Schrameck, président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel

  • Conseil Supérieur de l’Audiovisuel
  • Monsieur Olivier Schrameck
  • Président
  • Tour Mirabeau
  • 39-43, quai André-Citroën
  • 75739 Paris cedex 15

Objet : de nouveaux principes pour les débats télévisés de l’élection présidentielle

Paris, le 9 janvier 2017

Monsieur le Président,

Nous sommes à quelques jours des premiers débats télévisés entre les candidats de la primaire de la gauche ; et quelques semaines après les débats entre les candidats de la primaire de la droite et du centre. Dans les deux cas, les partis sont à l’origine de ces innovations politiques.

Ces débats nous ont permis de tirer des enseignements importants : les énormes audiences des quatre débats télévisés de la primaire de la droite et du centre ils cumulent plus de 21 millions de téléspectateurs (hors audiences radios)confirment le plébiscite des Français pour ce format d’émission. Déjà en 2011, les débats télévisés organisés à l’occasion des primaires de la gauche, premières en son genre, avaient connu un réel succès.

Pour la démocratie et la qualité des débats publics, le bilan de ces expériences s’avère très positif.

Cela nous amène à revendiquer l’institutionnalisation de tels débats dans le processus électoral du prochain Président de la République, en mai 2017.

Nous invitons par conséquent votre institution à s’autosaisir, conformément à ses prérogatives, afin de proposer aux pouvoirs publics un cadre de principes souples et clairs permettant aux chaines de télévision d’organiser deux séries de trois débats, à la télévision et à la radio (six au total pour les deux finalistes) à l’occasion de la prochaine élection présidentielle :

  • trois débats de deux heures chacun entre l’ensemble des candidats avant le premier tour,
  • trois débats entre les deux tours avec les finalistes de l’élection présidentielle.

Trois débats avant le premier tour sont nécessaires pour permettre à l’ensemble des candidats (ils étaient dix lors de l’élection présidentielle de 2012) de disposer d’un temps suffisant pour s’exprimer et confronter leurs idées.

Trois débats entre les deux tours sont nécessaires si l’on souhaite que, au regard de la diversité et de la densité des sujets, nos concitoyens se fassent une opinion la plus précise possible.

Une délibération du CSA pour institutionnaliser la démarche

A ce jour, il n’est prévu qu’un seul débat, de surcroit entre les deux tours. Il fût une formidable innovation lorsque l’ORTF l’a installé pour la première fois en 1974. Dans cette société « ultra médiatisée » qui est désormais la nôtre, il est totalement insuffisant.  De surcroit, s’il est de coutume de l’organiser, aucune règle ne l’encadre. Sa tenue, comme nous l’avons constaté en 2002, dépend exclusivement du bon vouloir des deux candidats finalistes.

La France vous a confié la présidence du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, l’autorité publique indépendante qui contrôle le temps de prise de parole dans les médias audiovisuels. La loi du 30 septembre 1986 prévoit ainsi que le CSA « assure le respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d’information politique et générale ». Son président est nommé par le Président de la République car, comme le fixe l’article 13 al.5 de la Constitution, l’audiovisuel présente « une importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation. »

Nous invitons le CSA à se saisir de cette question, notamment dans le cadre de la délibération du 4 janvier 2011 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision en période électorale modifiée par la délibération N° 2011-55 du 22 novembre 2011 (Journal officiel du 8 décembre 2011). Tout autre véhicule à caractère incitatif ou règlementaire que vos juristes jugeraient bon d’activer permettant d’agir en conséquence satisferait la demande que nous formulons ici.

A l’appui de notre revendication, nous nous permettons de citer Madame Marie-Laure Denis, Conseiller d’Etat auteure des Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 34 (Dossier : l’élection présidentielle) :

« Depuis 1962, il est inscrit dans la constitution que l’élection du Président de la République se fera désormais au suffrage universel direct. Le rôle des médias s’est affirmé au point que les partis privilégient le choix de candidats médiatiques et articulent la campagne autour de temps forts conçus pour être relayés par les médias. »

Et d’ajouter, en dépit de « ce raffinement (ndlr : parlant de la législation), le régulateur est dépourvu, sauf à complexifier encore le dispositif, de moyens lui permettant de gommer les imperfections d’un système qui s’épuise à décompter le moindre temps de parole sans pour autant en analyser le contenu. »

A l’évidence, la critique qu’elle formule serait en grande partie corrigée par notre proposition.

Nous vivons une période déstabilisée par l’hyper instantanéité des réseaux sociaux et les fausses informations qui peuvent y circuler. Il est vital de laisser la maitrise de l’information aux journalistes et à la télévision afin d’imposer un temps médiatique long, sérieux et même studieux ! L’exercice de la citoyenneté moderne est à ce prix !

Pourquoi réclamer ces débats supplémentaires ?

Les évolutions des formats médiatiques qui attirent l’auditeur vers des contenus privilégiant la « pipolisation » de la vie politique et « l’infotainment » ont éloigné les Français des débats de fonds. Ces concepts ont de l’intérêt et doivent garder toute leur place, là n’est pas la question.

Mais, soyons honnêtes, le marketing audiovisuel a imposé l’idée que les formats : longs, sérieux, structurés et uniquement centrés sur l’analyse de la chose publique n’ont plus grande place à la télévision. Le débat lui-même est déprécié par les candidats.

Nous avions tous tort !  Contre toute attente, lors de la primaire de la droite et du centre, les Français ont fait l’effort de forger leur choix, devant leur télévision, débat après débat. Il faut maintenant en tirer les conclusions qui s’imposent.

La télévision : une réaffirmation de son rôle statutaire incontournable

C’est l’enseignement majeur de ces expériences de primaires : la télévision revient au centre du jeu médiatique. Nous voyons, au moins, huit raisons et avantages à ce phénomène de recentrage :

  • Le débat télévisé donne du temps aux responsables politiques d’argumenter, et ceci sur de très nombreux sujets.
  • Le débat télévisé permet aux citoyens de se faire un avis sur la capacité des unes et des autres à endosser le costume de leader politique et de surcroit d’Homme d’état.
  • Ces rassemblements des attentions des différents publics illustrent le principe de « synchronicité sociale » et expriment le désir profond des Français de faire société ensemble.
  • La télévision démontre que les journalistes restent les seuls garants de la pluralité des avis, des temps de parole et d’une information vérifiée et vérifiable.
  • La politique est un combat : confronter l’ensemble des opposants, au même endroit, au même moment, soumis aux mêmes règles, constitue le moyen d’apporter un maximum d’objectivité aux débats entre les candidats et d’éclairer les électeurs. C’est une garantie supplémentaire pour un bon exercice de la démocratie.
  • Le débat télévisé fait vivre le débat de manière moderne à travers les réseaux sociaux ; provoque l’attention au-delà de l’audience (plus de 200 000 tweets en l’espace de deux heures pour chaque débat de la primaire de la droite).
  • Le débat télévisé montre « ce sur quoi il est important de penser», comme le disait le sociologue Gabriel Tarde.
  • Seule la confrontation télévisuelle entre tous les candidats permet aux Français de déterminer in fine « qui mérite quoi » ; aujourd’hui, ce sont les sondages, pourtant de plus en plus critiqués, qui ouvrent les portes des émissions de télévision de grande audience aux candidats.

Force est de constater que le chambardement numérique qui secoue l’économie des médias traditionnels (legacy media) depuis une quinzaine d’année avait relégué au second plan, dans les esprits, l’influence et la puissance réelle qui reste la leur. La confiance relative que leur accordent nos concitoyens a pu contribuer à ce sentiment de déclassement. Pour autant, ils ne sauraient se passer de leur télévision.

Dans le même temps, le dernier baromètre du Sciences-Po Cevipof traitant de « l’état d’esprit des Français » indique que les partis politiques se retrouvent tout au fond du classement des institutions sur la question de la confiance : 12 % seulement des Français leur font confiance.

S’il est inquiétant, ce chiffre masque aussi le besoin de mieux connaître les aptitudes de celles et ceux qui aspirent à diriger la France. Les débats télévisés que nous proposons favoriseraient la création d’un nouveau lien de confiance entre les Français et leurs représentants. En définissant les principes qui permettraient l’organisation de trois débats avant et après le premier tour, le CSA rendrait un grand service à la démocratie française, pour combattre efficacement le « rejet du système et de ses représentants » et l’une de ses conséquences directes, le fléau de l’abstention électorale.

Vous remerciant par avance de l’attention que vous consacrez à notre revendication, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de nos respectueuses salutations.

Jacky Isabello 

  • Fondateur du Collectif*
  • « Trois débats sinon rien »
  • Co-fondateur de Coriolink

Alexandre Malafaye

  • Membre Fondateur du Collectif
  • « Trois débats sinon rien »
  • Président du Think Tank Synopia

PJ : document adressé aux leaders d’opinion pour nous aider dans cette initiative.

Par avance merci !

Comment faire ?

  1. Inscrivez-vous sur notre site http://www.troisdebats2017.tv/ en tant que membre du collectif ou en tant que sympathisant de cette cause.
  2. Vous êtes un(e) citoyen concerné(e) par l’avenir de notre pays, vous pouvez :
    1. Diffuser notre communiqué de presse autour de vous ;
    2. Twitter un soutien: Je saisis .@csaudiovisuel pour avoir #TroisDebats télévisés avant et après premier tour de la #Presidentielle2017 troisdebats2017.tv
  3. Vous êtes un(e) leader d’opinion (hommes et femmes politiques ; journalistes ; observateurs (trices) avisé (e)s), vous pouvez, en plus :
    1. Diffuser notre communiqué de presse auprès des journalistes politique, journalistes médias. A votre demande nous le ferons pour vous.
    2. Si vous êtes « un/une pro» des médias sociaux : vidéo sur votre compte FB, une story sur votre compte Snap
    3. Vous dirigez un groupe de médias : communiquer sur votre engagement à organiser les débats.
  4. Vous êtes journaliste : vous pouvez en plus, inviter/interviewer nos soutiens pour informer les Français de notre démarche et les convaincre de son intérêt.
Télécharger le courrier
Délibération du CSA